dimanche 29 septembre 2013

Kajkyt - II


Date de sortie : 1er octobre 2013 | Label : God Records

Des vocalises dans les profondeurs du spectre pour commencer. Un souffle, presque. Puis la distorsion d'une guitare massive qui n'est pas sans rappeler les textures d'un certain JK Flesh. Ensuite, viennent les percussions. Tendues, minimalistes, une boîte à rythmes rigide et sans imagination, encore plus simple que primitive. Enfin, la voix. Elle susurre, elle psalmodie, ne s'énerve pas, ne crie jamais. Elle est là, c'est tout. Tout cela contenu dans huit morceaux aux velléités contradictoires : de la rage mais de l'apaisement, du simple contre du complexe, guitares versus électronique. Mais surtout du noir et du noir. Qu'il recouvre la galette de plastique du recto au verso ou la boîte en carton approximativement agrafée qui la contient, qu'il se niche dans les morceaux ou dans les vidéos, il est partout. Et s'étend depuis l'oreille jusqu'à l'intérieur de la boîte crânienne jusqu'à envahir le corps entier. La journée était belle, elle est maintenant désespérée. Et sans nuances. Ce qui n'est pas le cas de la musique de Kajkyt qui se balade, tranquille, de la noise au dark ambient, du metal aux chants byzantins. Une musique qui craint la lumière et se confond avec l'ombre qu'elle renferme. Pour résumer : ça ne rigole pas et ça ne rigolera probablement jamais. 


Kajkyt, alias de Slobodan Kajkut. Né en 1983 à Banja Luka en Bosnie-Herzégovine, compositeur formé par la vénérable Kunstuniversität Graz en Autriche, ayant d'abord officié dans nombre de groupes plus qu'underground, membre actuel The Striggles et d'Automassage qui le sont à peine moins, il suit une voie solitaire et déterminée depuis 2008. II n'est évidemment pas son coup d'essai et fait suite à un nombre important d'albums, CD-R, compilations sortis en catimini, en solo ou accompagné. De quoi comprendre ce qu'il fait, d'où il vient et d'où proviennent sa maîtrise et son aplomb. II est surtout le deuxième long format issu de l'entité Kajkyt après un Krst déjà intrigant sorti en 2010. On y trouvait alors tout ce qu'il développe aujourd'hui mais sur deux fois moins de titres, deux fois plus longs. Déjà le goût pour les numéros, mais une voix beaucoup plus rare qu'elle ne l'est maintenant. La voix, voilà la grande affaire de II. Et peut-être aussi ces rythmes pelés et minimalistes qui confèrent aux morceaux une aura tout à la fois ample et rabougrie. Sur III, on pourrait presque croire en fermant les yeux à un Massive Attack lo-fi sans la moindre once de chaleur, un truc roide et janséniste, presque désincarné, qui montre qu'avec deux bouts de ficelle et beaucoup d'idées, on peut susciter une émotion, fût-elle parfaitement mystérieuse et inconfortable.

Tout est froid et sombre dans cet album et l'on ne trouvera aucun rai de lumière pour rehausser le tout. Dans ces conditions, les morceaux se dessinent par différence de matité. Qu'elle soit en surbrillance ou en filigrane, la couleur noire largement convoquée se fait abyssale : du très expérimental et déstructuré IV au plus dub VI, des rivages massifs de I au requiem pelé de VIII, il n'y a bien que la voix qui empêche de se prendre les murs en pleine poire. Un fil d'Ariane que l'on suit sans savoir du tout où il mène ni par où il nous fait passer. On s'y raccroche mais on ne comprend absolument rien aux mots - s'il s'agit bien de mots - qu'elle nous déverse dans l'oreille. Entre plainte et complainte, la rage larvée contenue dans une tessiture grave qui inquiète avant tout, elle est tout à la fois très expressive et désincarnée. Encore un beau paradoxe pour un disque qui n'en manque pas. Dès lors, on comprend pourquoi II sort sur God Records. Il y a là-dedans une certaine mystique, sans doute en négatif, quelque chose qui relève de l'incantation, de l'impalpable et qui bien souvent se déploie dans des territoires qui nous dépassent et auxquels on ne comprend pas grand chose. Pas sûr que l'on ait envie d'y croire mais une chose est sûre : c'est très beau et le pouvoir de persuasion de cette musique est grand. La batterie synthétique aura beau balancer des poum et des tchak en plastique et sans vie dans une répétition devenant très vite aliénante, les nappes auront beau s'élever dans le même périmètre du cercle chromatique, coincé entre l'ombre et la pénombre, la voix aura beau se complaire dans le lugubre et l'inquiétant, rien n'empêchera II de se faire très vite une place dans votre tête.

Mystérieuse et addictive, la musique de Kajkyt entre directement dans la cour des grands. Sans faire de vagues, tout doucement mais crânement. Inutile de lutter, vous y croyez déjà...



leoluce

lundi 2 septembre 2013

Dans les coulisses du prochain album de Tapage - Part 4


Même si 8, le futur album de Tapage, s'annonce particulièrement riche en arrangements acoustiques, il ne faut pas oublier que Tijs Ham est un féru de code et de programmation. Ce nouveau chapitre de son carnet de bord nous le rappelle, puisque l'artiste hollandais s'attarde sur un morceau composé à partir d'un langage de programmation, morceau dont il propose le code, à manipuler à sa guise. Encore en élaboration, le titre prend pour l'instant une forme d'ambient frémissant, construit sur des fréquences plus ou moins sourdes et dont les différentes tonalités s'allument tour à tour, comme la flamme d'une bougie.

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Tapage - 8 : Following the process of writing an album, part 4.

Hey all !

The past few studio updates have been mostly focussing on the recording of source sounds such as the field recordings and cello... But there's another aspect that I'd like to share...

*Warning, things are about to get a bit nerdy from here on...

Code !
Yes !
From acoustic resonances straight towards the digital world of synthesis and coding. In the past couple of years I have been learning how to write my own programs for generating and manipulating sounds in a programming language called SuperCollider. Once you get the hang of it (and acquire a fair amount of knowledge on digital signal processing and such), it provides a lot of freedom to generate new sonic layers. For the last track on my album I wanted to create a dense ambient piece made out of sawtooth oscillators. It ended up sounding something like this :


This is still very much under construction and dependent on randomness. But in due time it should sound just the way I want it to. So here is the code I've typed so far. To mess around with it yourself you'll need to go to : http://supercollider.sourceforge.net

... and download the latest version (all free and open source). Then copy the code, select it all and execute by pressing shift-enter !

/*
Server.default.makeGui;
s.meter;
*/
Server.default.options.memSize = 512000;

s.waitForBoot{
{
~freqArray = [60, 65, 64, 67, 69, 72].midicps;
~buffer = Buffer.alloc(s, s.sampleRate, 2);
///
s.sync;
/// SynthDefs
SynthDef(\saw, {|freq, amp, cuts, cute, rq, det, len, pans, pane, outBus=80 |
var out, env;
env = EnvGen.ar(Env.sine(len, amp), doneAction:2);
out = BLowPass.ar(Saw.ar(SinOsc.ar(det, 0, 1, freq)), Line.kr(cuts, cute, len), rq);
Out.ar(outBus, Pan2.ar(out, Line.kr(pans, pane, len), env));
}).add;
///
SynthDef(\rec, {|inBus=80, buf|
var in;
in = InFeedback.ar(inBus, 2);
RecordBuf.ar(in, buf, 0, 1, 0, 1, 0, 1, 2);
}).add;
///
SynthDef(\play, {|outBus=90, buf, poi, rate, ws, len, amp, freq|
var env, out;
env = EnvGen.ar(Env.perc(0.01, len*0.1, amp, -8), doneAction:2);
out = Warp1.ar(2, buf, poi, rate, ws, -1, 2);
out = Ringz.ar(out, freq, poi);
Out.ar(outBus, out*env);
}).add;
///
SynthDef(\mix, {|inBus1=80, inBus2=90, outBus=0|
var in1, in2, out;
in1 = InFeedback.ar(inBus1, 2)*0.4;
in2 = CombL.ar(InFeedback.ar(inBus2, 2), 0.2, 0.2, 18);
out = LeakDC.ar(GVerb.ar(in1 + in2)).tanh;
Out.ar(outBus, out);
}).add;
///
s.sync;
/// Synth
Synth(\mix);
///
s.sync;
/// Pbind
Pbind( \instrument, Pseq([\rec, \saw, \play, \saw], inf),
\dur, Pwrand([0.5, 0.8, 1.2]*2, [1,3,2].normalizeSum, inf),
\len, Pwhite(15, 30),
\freq, Prand(~freqArray, inf)*Pwrand([0.25, 0.5, 1, 2, 4, 8], [5, 0.5, 0.1, 0.5, 2, 0.25].normalizeSum, inf),
\amp, Pwhite(0.01, 0.05),
\cuts, Pwhite(40, 200),
\cute, Pwhite(200, 1800),
\rq, Pwhite(0.1, 0.9),
\det, Pwhite(0.1, 1),
\pans, Pwhite(-1,1),
\buf, ~buffer,
\poi, Pwhite(0, 0.3),
\rate, Pwrand([1, 2, 4, 8, 16], [3,2,1,3,2].normalizeSum, inf),
\ws, Pwhite(0.1, 0.3),
\pane, Pwhite(-1,1)).play;
}.fork;
}

OK, that's enough code for today ! Enjoy and see you next time !

Tapage
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Traduction

Salut à tous !

Les derniers compte-rendus de studio se sont essentiellement focalisés sur l'enregistrement des sons de sources telles que les field recordings et le violoncelle... Mais il y a un autre aspect que j'aimerais partager avec vous...

* Attention, les choses sont sur ​​le point de devenir un peu intello à partir d'ici...

Le code !
Eh oui !

Des résonances acoustiques droit vers le monde numérique de la synthèse et du codage. Au cours des deux dernières années, j'ai appris à écrire mes propres programmes pour générer et manipuler des sons dans un langage de programmation appelé SuperCollider. Une fois que vous avez pris le coup (et acquis une quantité raisonnable de connaissances sur le traitement du signal numérique et autres), ça offre une grande liberté pour générer de nouvelles nappes sonores. Pour le dernier titre de mon album, je voulais créer un morceau ambient dense à partir d'oscillateurs en dents de scie. Ça a fini par sonner comme ça :


C'est encore en construction et dépendant du hasard. Mais en temps voulu, le morceau devrait sonner juste de la façon dont je le souhaite. Donc, voici le code que j'ai tapé jusqu'ici. Pour vous amuser à le bidouiller vous-mêmes il faudra vous rendre à l'adresse : http://supercollider.sourceforge.net

... et télécharger la dernière version (entièrement gratuite et open source). Ensuite, copiez le code, sélectionnez-le en entier et exécutez en appuyant sur Maj + Entrée !

OK, assez de code pour aujourd'hui ! Amusez-vous bien et à la prochaine fois !

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Quelques liens