samedi 16 mars 2013

William Ryan Fritch - The Waiting Room OST


Sortie : 18 mars 2013 | Label : Lost Tribe Sound

Derrière son projet Vieo Abiungo, William Ryan Fritch avait habitué ses auditeurs à des envolées exigeantes, faites d’expérimentations ethniques et de jazz luxuriant. Son Thunder May Have Ruined The Moment, perle enfumée et succès critique, s’inscrit ainsi dans les meilleurs disques de l'année 2012. Membre également de Skyrider et du génial Tokyo Bloodworm, le multi-instrumentiste a publié sous son nom propre plusieurs albums sur le label Asthmatic Kitty. S’il est loin d’être à sa première composition pour des œuvres cinématographiques, la bande originale qu'il destine au documentaire de Pete Nicks fait l'effet d'une décharge de sublime. Comme lorsqu’il devient Vieo Abiungo, l'album est publié par les américains de Lost Tribe Sound, refuge notamment des délicats Part Timer, et maison résolument passionnante.

The Waiting Room est un documentaire sur le Highland Hospital d’Oakland, sur les patients, les proches, le personnel qui le parcourent. Sur cette salle d’attente qui représente elle-même un lieu de travail, un sas et une bulle d’inquiétude. N'ayant encore vu ce film, c’est à l' imagination qu'il faut se résoudre, elle-même portée par tout ce que la musique de Fritch a de suggestif. La question de l’adéquation entre le visuel et le sonore ne saura donc être abordée ici. Le parti pris d’aborder cette bande originale comme une œuvre en soi s’impose de lui-même, tant ces 12 morceaux capturent tout entier et s’appréhendent comme on le ferait d'un album.

A la première écoute, The Waiting Room OST glisse, comme quelque chose de très beau, sur lequel on n’a nulle prise. A la troisième, le disque est devenu un nid, une tanière exclusive et personnelle dans laquelle on se retire pour se gorger des paillettes de beauté pure que distille William Ryan Fritch. Exclusivement instrumentaux, foisonnant de cordes, de souffles et de lueurs grelottantes, les morceaux se déploient et avec eux des arrangements troublants de limpidité. Point de drones ni de fluides tribaux en ces lieux, le substrat est d’exception, l’œuvre apparaît comme à la fois bruissante et dépouillée, minutieuse et accessible. L’homme ne trahit pourtant pas son essence et les percussions et claps de The Cost, the Value of Health ne sont pas sans réveiller le spectre de Vieo Abiungo. Mais s’il y a un fait marquant à dégager de ce sublime exercice, il est à chercher dans la région de l’émotion. Nul besoin de se remémorer que ces titres soutiennent une illustration du système de santé américain et d’hommes et de femmes dépourvus d’assurance pour être frappé par la dimension humaine qui les habite. On peut d’ailleurs n’y penser qu’après, établissant avec un peu de lenteur ce lien logique.

Comme le fait probablement Nicks avec les personnes qu’il filme, Fritch peint le vivant par petites touches. Il serait simpliste de diviser l’objet en une palette de sentiments distincts, pourtant le compositeur dessine des aléas et invite l’auditeur à emprunter ces sinueux corridors, creusant l’incertitude, sculptant l’angoisse, le temps du silence entre deux notes de piano. C’est parfois le calme qui envahit les délicates manipulations instrumentales, parfois l’empathie ou la joie brusque. Jamais l’émotion ne semble univoque ou n’existe pour elle-même, c’est dans l’interaction et dans le sens que lui donne la personne qui la porte qu’elle s’exprime et tenaille. Et l’auditeur d’être terrassé par la noblesse d’un violoncelle, par les courbes virevoltantes d’une volée de notes cristallines.

Deux pièces, saillantes, pourraient être extraites de cet ensemble majestueux de bouts d’histoires. Sur Hold High You Head, la rencontre entre le canevas orchestral que brode le piano et la rythmique grave, hachée, concrète, donne le sentiment que l’univers sonore se duplique. La fraicheur de ces notes contrastant avec le tourbillon tourmenté qui prend possession du corps du morceau, il est difficile de ne pas connaître à son écoute une sorte de douce déchirure. Mais le diamant de ce disque, celui qui donne envie de hurler et vous éclate le cœur, est contenu dans les 3’21 minutes que dure It Moves With or Without You. L’attente, l’urgence, la cavalcade, la montée, le choc, coup de poing extatique. William Ryan Fritch est de ces compositeurs à vous imprégner l’âme.

Avec l’album craquelé de Graveyard Tapes qu’ils viennent également de sortir, Lost Tribe Sound s’impose comme un label fascinant. The Waiting Room OST, beau comme une évidence, est un grand disque de ce début d’année. Bouleversant.

Manolito


1 commentaire:

  1. Au cas ou cela vous tente : https://torrentz.eu/d7b50cb17746c66d3ea2615ac649e6d3ce173c31

    Merci pour votre blog, l'eclectisme de vos choix fait plaisir a mes oreilles.

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