lundi 30 décembre 2013

Pylar - Poderoso Se Alza En My


Date de sortie : 01 novembre 2013 | Label : Knockturne Records

Voilà un disque tout à fait particulier. Il montre beaucoup de points communs avec celui chroniqué ci-dessous : un psychédélisme singulier qui, aux opiacés, substitue l'exaspération, la colère, l'envie d'envoyer valdinguer les barrières et de recoller ensemble des univers distants qui, a priori, ne devaient jamais se rencontrer. D'un côté, des chants liturgiques, très aérés et forcément mystiques qui montrent beaucoup de réminiscences asiatiques, de l'autre, des guitares barbelées au vocabulaire féroce. À l'écoute de Poderoso Se Alza En My, on a souvent devant les yeux la même image : une chorale de moines bouddhistes hirsutes bardés de clous et de chaînes, un collectif qui écrase les fleurs à grands coups de grolles. Un truc jusqu'ici non identifié et qui se retrouve donc très logiquement sur Knockturne Records, label sévillan qui a vu le jour en 2013 et n'a sorti jusqu'ici que des disques hors normes et souvent passionnants (un petit tour sur leur page bandcamp vous permettra de vous familiariser avec son ADN foutraque, de Taaru, série d'improvisations féroces, épileptiques et crues à la contrebasse que l'on doit à Marco Serrato, moitié des fabuleux Jacob, jusqu'à Der Fliegende Holländer, collections d'expérimentations hallucinées, œuvre du trio Orthodox dont fait partie ce même Marco Serrato et dans lequel on serait bien en peine de trouver la moindre orthodoxie, en passant par le dernier Oikos). Bref, on nage ici en eaux troubles et on ne comprend souvent rien à ce que l'on entend. Parfois, on ne sait même pas si l'on apprécie. Pas souvent toutefois si l'on s'en tient au nombre d'écoutes. Et ce Pylar-là, justement, a beaucoup tourné. Dès lors, nous sommes certes un peu en retard sur celui-ci comme sur beaucoup d'autres mais en revanche, maintenant qu'on le connaît mieux, on pourra peut-être tenter d'en parler.

Pour commencer, il faut savoir que Poderoso Se Alza En My demande du temps. Du temps pour que la musique de Pylar fasse son chemin, diffuse sa mystique singulière. L'album débute par les treize minutes et quelques d'El Pylar Ha Sido Halzado et plante directement le décor : une longue psalmodie introductive déclamant quelques mantras obscurs à peine troublés par des cris incongrus. Et après exactement six minutes de cette transe liturgique déboule une guitare brutale que l'on n'attendait pas et le morceau abandonne ses atours chamaniques pour revêtir ceux bien plus psychédéliques d'un métal roide et froid. Curieux mélange. La suite est plus ou moins du même acabit et prend systématiquement par surprise : des morceaux déclamatoires à l'instrumentation chiche portés par leurs seules voix (El Más Anciano De Los Errantes), d'autres qui explorent les rivages incertains d'un jazz expérimental qui n'est pas sans rappeler le Dale Cooper Quartet ou Bohren & Der Club Of Gore en plus cru toutefois (El Primer Signatario), des pièces psychédéliques et inquiètes qui font voyager loin à l'intérieur de soi (l'intense et fabuleux ¡Alzaos, Oh, Puertas Eternas! ou encore La Gran Luminaria) et d'autres encore qui mélangent tout cela (El Secreto De Las Sendas). Ce qui frappe avant tout, c'est que la musique de Pylar est en permanence paroxystique. Le groupe peut bien jouer ce qu'il veut, avec ses idées et nos nerfs, il le fait toujours avec la même énergie. Il n'y a aucune baisse de régime, aucun apaisement. Extrêmement concentré, Pylar négocie chaque seconde de ce disque foutraque comme s'il s'agissait de la dernière. L'autre aspect qui fait toute la singularité de sa musique, c'est le travail impressionnant sur les voix : psalmodie, chuchotement, cri aliéné, monologue, dialogue, hétéroglossie, c'est la voix que l'on retrouve au cœur de chaque pièce, c'est elle qui est à l'origine de leur ossature, qui imprime la direction que les instruments se contentent de suivre ensuite. Un travail qui culmine sur le morceau final, Al Fin Te Contemplo Entre Las Ruinas Del Tiempo (Pentagramató) qui achève ainsi parfaitement le disque en livrant l'une de ses clés.

On ne sait pas très bien qui se cache derrière le collectif. Tout juste sait-on qu'il regroupe des membres d'Orthodox (évoqué plus haut) et de Blooming Látigo (auteur d'une collaboration avec Jacob particulièrement glauque et prenante qui n'était pas sans rappeler l'intensité malsaine de Khanate), deux entités extrêmes qui se rencontrent le temps d'un disque qui ne l'est pas moins. Sur scène, Pylar avance masqué ce qui, paraît-il, décuple le côté déjà fortement hypnotique de sa musique. Une véritable gageure quand on sait à quel point Poderoso Se Alza En My, avec son amalgame maîtrisé de jazz, de noise, d'expérimentations en tout genre, d'incantations et de métal, peut transporter haut et loin. Un disque qui en tout cas donne envie d'explorer plus avant les territoires flous de cette enclave ibérique autonome que constitue Knockturne Records. Un label dont on devrait rapidement reparler dans ces pages au regard de la qualité constante dont a fait preuve chacune de ses sorties tout au long de 2013. 

Exigeant et foutraque. Mais brillant avant tout.

leoluce

YRSEL - Abraxas


Date de sortie : 21 juin 2013 | Labels : 213 Records, Tuguska

Neuf morceaux distribués sur deux rondelles de vinyle extrêmement noires, pesantes et formidablement emballées sous un écrin noir lui aussi, serti de dessins ésotériques blancs. Deux couleurs symbolisant parfaitement la totale dualité d'YRSEL dont la musique, elle, se décline en nuances infinies de gris. D'abord, il s'agit d'un duo réunissant le suédois Carl-Johan Larsgården (Ondo, Pacta, A Perfect Friend entre autres) et le français Julien Louvet (lui aussi impliqué dans une foultitude de projets mais surtout tête pensante et seul maître à bord de l'essentiel The Austrasian Goat) et la confrontation du drone/doom de l'un au black tangent et délavé de l'autre donne exactement YRSEL. Une dualité qui s'exprime dans cette musique tantôt solaire, tantôt ombrageuse, peuplée de voix diaphanes et éthérées qui ne font qu'accentuer son côté mystérieux. Difficile à ranger dans une case, Abraxas emprunte un peu à tout ce qui se fait de plus flippant et ésotérique tout en gardant une singularité qui le démarque du tout-venant dark ambient/black/drone/doom habituel. Ce n'est pas un disque de plus, c'est bien autre chose. Une œuvre, un manifeste, appelez-le comme vous voudrez, il se trame tant de choses ici que l'on ne peut simplement écouter Abraxas puis le ranger, l'oublier et passer à autre chose. Ça rayonne, ça irradie et ça reste dans un petit coin de la tête, ça fait son chemin et ça se rappelle à notre bon souvenir sans doute plus souvent qu'il ne le faudrait. Car si YRSEL n'est pas exempt de luminosité, ce que l'on retient surtout c'est sa noirceur extrême. Et son infinie beauté. C'est qu'il faut du talent pour injecter des vertèbres dans le squelette par nature invertébré de l'ambient, y faire naître une ossature qui nous permettra de s'accrocher à quelque chose, pour faire aussi d'un chapelet de sons épars un tout cohérent, pour rendre enfin une ambiance qui aime prendre le temps de s'installer, palpitante. Et du talent, ces deux-là en ont à revendre. Ils savent également parfaitement s'entourer : Retö Mader que l'on ne présente plus au mastering, les incantations intrigantes d'Alice Dourlen plus connue pour son formidable projet Chicaloyoh hantant sporadiquement le disque (sur Asat ou Nequaquam Vacuum) ainsi que Denis Del Nista (Moon, big boss de Burning Emptiness) venu prêter main forte le temps d'un Simon Magus abstrait. Tout cela concoure à faire d'Abraxas un objet incontournable.

L'envoûtement débute dès Pleroma pour ne plus disparaître : des ondes en ressac, des guitares solennelles qui vont et viennent elles aussi, un bestiaire grouillant mais indéterminé en-dessous. Pas vraiment guilleret comme ambiance mais pas non plus d'une froideur ou d'une noirceur extrêmes. Le froid et l'obscurité, c'est plutôt pour Asat, longue pièce de dix-sept minutes à laquelle toute une face est dédiée : long lézard psychédélique, rituel habité porté par la voix désincarnée mais ô combien persuasive d'Alice Dourlen. On ne sait pas très bien à qui sont destinées ses invocations, ce qu'elles appellent mais on n'est pas très sûr que ce soit nous. Elles donnent plutôt l'impression d'être tombé par mégarde sur une cérémonie à laquelle personne n'était invité en dehors des membres d'YRSEL. Mais comme tout cela est très enveloppant, on a très envie d'y participer, partagé entre l'envie de prendre ses jambes à son cou et d'assister à un truc nouveau et sidérant. Le premier disque est construit d'une telle façon que l'on passe insidieusement du très haut au très bas, de la lumière à l'ombre, de l'air à son absence-même. Un climax patiemment bâti, reposant sur des fondations solides et qui emprisonne l'auditeur. Le deuxième suit exactement le même cheminement et oppose aux enluminures des premiers morceaux l'ombre pelée et imposante de Sat, petit frère taiseux d'Asat. Deux disques symétriques, parallèles presque, qui pourraient se confondre comme ceux de la pochette même si, de The Origin Of The Evil, morceau aux guitares liquides entêtantes, à Nequaquam Vacuum, nouvelle oraison fantomatique accompagnée d'un chant, Abraxas se révèle de plus en plus plombé et imposant, de plus en plus riche et profond. Les strates s'empilent, l'organique se mélange de plus en plus au synthétique pour devenir une masse indistincte que les deux alchimistes d'YRSEL sculptent pour s'approcher au plus près de la forme qu'ils ont en tête : celle d'une idole païenne qu'ils sont sans doute les seuls à adorer. Toutefois, ils se montrent tellement convaincants que l'on se retrouve à deux doigts d'épouser leur culte. On comprend en tout cas parfaitement bien la citation mise en exergue sur leur page bandcamp : "A tree reaching up to Heaven must have roots reaching down to Hell". Toujours cette dualité chère au duo, composante majeure et moteur de sa musique.

Drones mystiques, ambient minérale au prisme négatif décomposant le noir en une multitude de nuances, liturgie contemporaine. Ni les uns, ni les autres et tout cela à la fois, voire bien plus encore, Abraxas est avant tout singulier. Magnétique et passionnant de bout en bout, cet agrégat de neufs pièces vivantes et solennelles ne vous lâchera plus dès lors que vous y aurez posé l'oreille et cela même alors que toute musique se sera tue.
leoluce


mardi 24 décembre 2013

Tsone - Exiles


Date de sortie : 6 décembre 2013 | Autoproduction 

Rarement le crépuscule, dans toute la symbolique sous-jacente qu'il englobe, n'aura trouvé pareil représentant.  La fusion des deux êtres est telle qu'il est presque difficile de savoir qui a inspiré l'autre. Une évidence, une justesse de production infaillible. Exiles narre un quotidien banal, bouffé par la solitude et les quittances de loyers. Tout aussi simple et évident qu'un café-clope ou qu'un soleil qui se cache chaque soir. Tout est sujet à l'exil. Tout n'est qu'une perpétuelle fuite. Cet album n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres.

La justesse et la pertinence de ces musiques ambiantes ne sont en rien fondées sur les mathématiques. Il en faut pourtant peu pour qu'elles deviennent ennuyeuses, sans intérêt réel. Un ton trop haut, ou trop bas, un brouillard synthétique bien trop épais pour espérer accrocher quelques notes, une réverbération hardcore qui fait saigner les tympans. Et la chaîne est brisée, l'immersion n'est plus, la lassitude prend le dessus. Ayant conscience du caractère purement subjectif de cette intervention, je laisse le soin aux oreilles affûtées de trancher par elles-mêmes. Certaines trouveront cet Exiles à n'en pas douter chiant comme la pluie, d'autres y verront du génie, une révélation. Et comme chez DCALC le but n'est pas de ruiner des artistes, il n'est pas bien compliqué de déduire de quel côté cette chronique est rangée. Mais alors, qu'a-t-il bien de spécial cet album? 

Rien. Tsone, comme à son habitude, ne nous laisse écouter que sa modestie, une musique vidée de tout artefact lacrymal, sincère, simple. Outre ses drones électriques flamboyants (Prisms, mirrors, lenses, ou encore en dernière phase de Zhuangzi dreaming of a butterfly), qui par ailleurs prennent de moins en moins de place au sein des compositions du bonhomme originaire de Phoenix, Exiles affiche un calme au demeurant plat, aux subtiles et peu nombreuses variations harmoniques. À certains moments, un quasi silence, parfois une certaine monotonie, souvent quelques bribes de nostalgie. L'humilité de celui qui parle peu mais bien, un astre qui se refuse à être reconnu, tout en brillant à son insu (In defense of a slip of the tongue).

Cet album ne parle pas de la fin du monde, encore moins de l'éveil de notre ère. Il ne traite pas de sujets d'Histoire, n'est pas le résultat d'une pensée métaphysique à la mord-moi-le-noeud. Il n'est que traduction de l'instant présent, allégorie d'un voyage intérieur entrepris par tout un chacun, photographié à un instant T. Une page d'album photo dont nous seuls pouvons tourner les pages. S'adressant tout à la fois à personne et tout le monde, la lumière d'Exiles traverse chacun des prismes de la conscience collective. Nappé de souvenirs difficiles à reconstituer, il ramène à un " maintenant " insignifiant mais ô combien précieux pour quiconque se laisse imprégner par son aura si familière. Une oeuvre personnelle et tournée vers le commun, presque même éducative. Car ce à quoi nous avons affaire relève bel et bien d'un leçon de vie.

Immanquable.

- inoui -

dimanche 22 décembre 2013

OvO - Abisso


Date de sortie : 02 novembre 2013 | Label : Supernatural Cat

Musique industrielle incandescente, noise-rock dégénéré, ambient larguée et inquiétante et même, oui, blues. Dans une traduction toute personnelle, certes, mais blues quand-même. Un truc envoyé en l'air pour exorciser je-ne-sais-quoi et le circonscrire quand ça retombe, l'enfermer dans des barreaux sonores maousses pour être tout à fait sûr que jamais il ne s'échappe et fasse son trou dans la boîte crânienne. On écoute Abisso comme on va au zoo, en se disant en permanence que l'on déteste les cages mais en étant tout de même bien content qu'elles soient là. Ce qui s'y trouve derrière fascine et fait peur en même temps. Et ça marche pour n'importe quel titre de cet album à l'odeur de soufre particulièrement tenace. Prenez Aenis par exemple, en cinquième position, qui du haut de ses quatre petites minutes à peine balance tout ce que l'esprit humain peut avoir de plus sombre, pas clair et dévoyé : une guitare définitivement barbelée tapissée d'un arsenal impressionnant d'échardes sonores contondantes et effilées comme des crocs de boucher, une batterie rigide qui tabasse l'espace et puis, surtout, cette voix inhumaine hésitant en permanence entre le contrit, le cri primal et le hurlement aliéné qui culmine au moment du "refrain" dans une répétition franchement douteuse et maladive. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce morceau particulièrement intense appose son sceau au fer rouge sur les parois trop tendres du cortex pour y faire une marque presque indélébile. On le sent passer. Et ce ne sont pas ceux au rythme plus apaisé qui permettront au souffle de recouvrer sa superbe. Avec eux on n'est jamais vraiment loin de l'asphyxie. Un exemple ? A Dream Within A Dream en quatrième position et son opalescence marécageuse, ses cris dégueulasses et son groove patraque qui s'arc-boute sur lui-même et pousse l'auditeur à faire de même. C'est qu'on reconnaît sans peine la voix d'Alan Dubin derrière le micro et les neurones font le reste en activant le réseau qui permet au morceau de revêtir les frusques de Khanate tout en étant évidemment autre chose. Bref, inutile de dire que lui aussi, on le sent passer. C'est moche et ça sent mauvais mais rien à faire, on ne cherche même pas à s'en échapper.



C'est qu'Abisso met en exergue un peu tout ce qu'il manquait aux opus précédents. Il montre en particulier une grande unité. C'est un album monolithique qui ne convoque qu'une seule couleur, qu'une seule odeur. On aime également sa concision, son envie d'aller directement à l'essentiel, c'est-à-dire droit dans le mur et à grande vitesse. Attention, le précédent était déjà particulièrement réussi mais peut-être souffrait-il de quelques longueurs qui peinaient à maintenir la sidération intacte au fil de l'écoute. Pas de ça ici, du premier au dernier morceau, on reste hypnotisé par les sirènes carnassières de ce disque déroutant. Déroutant parce qu'on ne sait pas trop ce que l'on vient y chercher et pourquoi on y reste. Déroutant aussi parce qu'on n'a pas trop envie de détailler les leviers qu'il actionne pour nous maintenir ainsi dans ses filets. Victime ? Voyeur ? Complice ? Va savoir puisqu'on ne veut pas savoir. Il s'en dégage une certaine mystique sans doute due aux incantations qu'il profère, une mystique vraiment singulière, une mystique de l'amputation, de la décomposition ou quelque chose comme ça. En tout cas, on y croit et c'est bien là qu'Abisso exécute brillamment le hold-up de nos neurones, en nous enfermant complètement dans sa trame. Après, c'est facile, en inoculant son virus glauque dans les tympans, toute résistance vaincue, il se diffuse et recouvre les organes d'une belle couleur anthracite, tapisse la boîte crânienne de soieries arachnéennes et disloque la moindre pensée positive à grands coups de larsen. On passe ainsi du très Einstürzende Neubauten Harmonia Microcosmica à son pendant Macrocosmica à peine moins tarabiscoté, du kabuki noise et scie-sauteuse de Tokoloshi au final déliquescent et pervers de Fly Little Demon qui embarque Carla Bozulitch et Evangelista au grand complet dans des méandres avant-jazz particulièrement désespérés. De là à dire que c'est en sachant bien s'entourer qu'OvO réussit à décocher l'une de ses flèches les plus dégueulasses, il n'y a qu'un pas que l'on ne franchira pourtant pas. On prendra même le problème à l'envers : c'est par le biais de sa musique irradiante qu'il a attiré à lui les deux torturés notoires précités.

Toujours composé de la Pythie hallucinée Stefania Pedretti au chant et aux six cordes et du bestial Bruno Dorella aux percussions organiques et/ou synthétiques, le duo transalpin continue ainsi à tracer son noir dessein au pinceau à gros poils en injectant force charbon dans sa mixture pour l'épaissir encore et encore. Légèrement expérimentale mais pas cérébrale, la musique d'OvO continue son travail de sape entamé depuis maintenant treize ans, passe sa paume abrasive sur la moindre parcelle de peau et électrise le corps entier. Il n'a jamais été si près de nos os, sa noise agglomérée tapant de plus en plus fort sur le système dans un mouvement d'addiction/répulsion qui ne semble jamais vouloir s'arrêter. On adore détester Abisso tout autant qu'on déteste l'adorer : pénible, accaparant, il n'en reste pas moins brillant. Il griffe notre épiderme et le suture juste après, frotte dans le mauvais sens du poil avec des gants de boxe dans un mouvement qui se rapproche vaguement d'une caresse. Il provoque nombre d'émotions contradictoires, agace et encore plus sûrement sidère, nous rend captif de son ossature disloquée et cinoque en nous communiquant en traître sa vibration bien sale et chaotique. Il en devient alors tout simplement cathartique.

Envoûtant.

leoluce


samedi 30 novembre 2013

2013 au tamis : Chelsea Wolfe - Pain Is Beauty


Date de sortie : 3 septembre 2013 | Label : Sargent House

Le temps, pire ennemi du chroniqueur disait-on, puisqu'il nous oblige à faire court quand on aimerait laisser la passion déborder. C'est un peu la même chose pour les remerciements que l'on se doit bien d'adresser aux nombreux curieux du Grand Jeu des Blogueurs qui ont bravé la noirceur de nos propositions et témoigné de leur intérêt pour toutes ces musiques singulières d'aujourd'hui et d'hier.


Sur le thème "FASTER PUSSYCAT KILL KILL ! - des filles qui en ont..." du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques - troisième et dernière partie.


Du temps, il m'en aura fallu, sans parler des cautions très underground des goths dans l'âme Babalith et Foie Gras tout entiers voués à sa pop du côté obscur, pour que je finisse par laisser sa chance à Chelsea. La faute à ce retour de flamme darkwave, racolant depuis quelques années à coups de grosses ficelles glamour et maniérées, auquel j'avais malencontreusement associé dans mon cerveau bourré d'a priori l'ensorceleuse californienne dès l'encapuchonné The Grime And The Glow. Un album encore un peu vert (tiens donc ?), lo-fi et mal cadré mais dont le post-punk écorché et le folklore dark habité distillaient déjà, entre deux complaintes funestes au piano et autres saillies noise hirsutes, ce charme empoisonné qu'aucun oripeau des sombres années 80 ne saurait priver de son originalité.

Car Chelsea est une fille qui en a : en vrac, une marmite et des élixirs, des grimoires à ne plus savoir qu'en faire, un autel élevé aux dieux païens d'antan dans sa mansarde à la lisière des bois, un balai et certainement pas pour faire le ménage, des peaux de bêtes écorchées selon les rituels anciens et pas pour en tailler des bikinis façon Raquel Welch - la dame étant plutôt du genre à nous fixer, hagarde et mal peignée, de ses yeux révulsés voire même inexistants comme sur la pochette de l'intense et troublant Apokalypsis - mais plutôt des tambours pour envoyer à la guerre ses armées de lutins protecteurs des forêts. Des claviers doomesques et des guitares plombées, des sortilèges enfin, plein ses mélodies de tragédienne désabusée sur fond de rythmiques martelées, pour envoûter sans mièvrerie en se jouant des étiquettes qu'on voudrait bien lui accoler.

Une rockeuse, Chelsea Wolfe ? Plus depuis les sérénades acoustiques tourmentées d'Unknown Rooms, et le blues lynchien de Destruction Makes The World Burn Brighter n'y changera rien. Une folkeuse ? Encore raté, n'en déplaise aux cordes grattées de l'entêtant They'll Clap When You're Gone ou du dépouillé Lone. Une sorcière invoquant sur The Warden les spectres de Siouxsie et des Cocteau Twins à se trémousser sur une boîte à rythme cold à souhait et faire pleurer la plus austère des pierre tombales ? On commence à se rapprocher. Mais sous les apparences aujourd'hui mieux peignées d'une production clair-obscure aux contrastes marqués, les mystères de cette musique-là demeurent impénétrables et la voix de Chelsea cet écheveau qui noue et dénoue les destins avec un magnétisme et un lyrisme décuplés.

Rabbit

Strië - Õthul


Date de sortie : 16 avril 2012 | Label : Time Released Sound


Sur le thème "FASTER PUSSYCAT KILL KILL ! - des filles qui en ont…" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques- deuxième partie.


Même si on ne s’attardera pas sur la question, on ne le dira jamais assez : faire de la musique ne rime pas avec virilité. L’intitulé de ce thème fait donc grincer des dents, particulièrement lorsque l’on a l’audace d’avoir un utérus et d’aimer la musique. Histoire d’en prendre pleinement le contre-pied, vous qui vous attendiez peut-être à un disque énervé, puissant ou sauvage, aurez droit à de l’ambient crépusculaire. De rien, c’est la maison qui offre.


Iden Reinhart aka Strië est une musicienne norvégienne, auteure de deux albums, Sléptis sorti sur Soundscaping Records et Õthul sur Time Released Sound sur lequel on revient aujourd’hui. Elle est connue également pour ses collaborations avec Greg Haines et Eric K. Skodvin, qu’elle accompagne au violon respectivement sur Digressions et Flare, et pour sa participation au passionnant Alvaret Ensemble.

Sorti en avril 2012, Õthul s’inscrit dans un temps nocturne, l’abstraction est de mise et l’heure point donnée, mais un disque pareil ne peut investir aussi justement d’autres espaces que la nuit, déployant avec la même noirceur son enveloppe caressante. Entre sa tension dramatique et la majesté de ses cordes, on plonge dans l’album avec Hällilaul comme on pénétrerait un brouillard chaud, criblé seulement de murmures et d’envols de clarinette. Le titre vaut à lui seul l’immersion. La suite se garde de diffuser la même chaleur opaque, pour mener l’oreille vers des recoins lugubres, où le violon laisse planer l’angoisse, sur laquelle le piano rebondit et objecte une phrase apaisante (Arabesque). Le triptyque søvn I, II et III, intercalé entre plusieurs titres, prend une forme dépouillée qui se densifie en progressant et qui parfois suggère d’infimes éléments de jazz, tandis que Lost In Between achève de brouiller les pistes en s’adonnant à quatre minutes puissamment abstraites et atonales.

Forgé dans une étoffe néo-classique, l’ambient de Strië donne lieu à des escapades noirâtres, orchestrales et farouches.
Beau et mortellement obscur.

Manolito

2013 au tamis : Helen Money - Arriving Angels


Date de sortie : 13 février 2013 | Label : Profound Lore Records

Le temps, pire ennemi du chroniqueur, etc. On l'a déjà dit, on le répète encore et on ne le dira sans doute jamais assez. Mais au final, le jeu s'avère addictif et on va donc en trouver : pour le plaisir de la découverte ou de la redécouverte et pour celui d'échanger quelques mots sur quelques disques, avec des personnes que l'on ne connait pas forcément mais que l'on aura eu l'impression, au final, de bien connaître. Bref, dernière salve qui voit une triple contribution parce qu'il fallait marquer le coup et le dire : vivement la suite ! 


Sur le thème "FASTER PUSSYCAT KILL KILL ! - des filles qui en ont..." du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques - première partie.


"Des filles qui en ont...", si l'on sait de prime abord à quoi se réfère la pronominalisation, celle-ci s'avère finalement assez floue pour que l'on puisse y mettre ce que l'on veut et là aussi, le choix s'avère difficile. Mais puisqu'il faut trancher, tranchons et ce sera cet Arriving Angels d'Helen Money sorti en février sur le sauvage, intransigeant et toujours passionnant Profound Lore Records. Une salve d'adjectifs qui pourrait d'ailleurs parfaitement convenir au troisième disque de la demoiselle qui continue à triturer son violoncelle et lui faire subir mille outrages et tout autant de caresses pour le faire sonner tour à tour comme un A380 au décollage ou une complainte murmurée au beau milieu de la lande déserte. C'est bien là que le disque passionne : sa dichotomie - voire son altérité - et le grand éventail de sentiments qu'il convoque ont pour effet d'éloigner irrémédiablement les longs doigts gris de l'ennui et de la demi-teinte. Un Beautiful Friends polyrythmique et monomaniaque assenant une belle série d'uppercuts sous le menton se voit ainsi presque immédiatement contrebalancé par un Midwestern Night Dreams apaisé et fureteur à l'étrange pizzicato arachnéen. Un point commun tout de même : la grande mélancolie qu'il se dégage de ces deux titres et, par extension, de cette collection d'instrumentaux. La grande sécheresse aussi. C'est qu'on retrouve aisément la patte d'Albini derrière la console et que son sens de l'économie sied parfaitement à l'artiste et son violoncelle. Point de fioritures ici, point d'embellissement, rien pour étoffer les visions d'Helen Money qui se suffisent si bien à elles-mêmes. Et si dans un premier temps, Arriving Angels déconcerte par son côté froid et répétitif, très rapidement, il subjugue et finit par ne plus nous quitter.

On notera également l'apport important de Jason Roeder derrière les fûts (batteur bestial de Neurosis ou Sleep) qui apporte une belle variété aux pièces souvent magnifiques d'Helen Money, élaborant une ossature solide et surprenante sur laquelle elles trouvent tout le loisir de s'ériger. Toujours au service des morceaux, la batterie souligne ou assène mais ne tire jamais la couverture à elle, laissant toute liberté au violoncelle pour exprimer sa retenue et sa tristesse. Il en résulte un disque étrange et polymorphe, se baladant sans cesse sur un segment coincé entre le gris et le noir, entre le metal et le hardcore dans ce qu'ils peuvent avoir de plus post, tangentiel et tracassé, entre le contemporain et l'expérimentation dans ce qu'ils montrent de moins abscons. Il y a énormément à puiser ici, énormément à ressentir : l'urgence et la colère, l'introspection et l'ouverture aux quatre vents - tour à tour accueillants et mauvais - la mélancolie et la lumière. Tout cela inextricablement mêlé, délimitant une boule dense et bien noire d'où ne filtrent que quelques rares mais salutaires rais de lumière. Helen Money avance sans artifices, pose ses tripes sur la table, y injecte de gros bouts de cortex, intellectualise ses fantômes et ses démons, met leurs voix au service de son violoncelle et réciproquement et dessine ainsi, en huit instrumentaux pelés et puissants, les contours d'une musique habitée et agrippante. Peut-être légèrement dépressive mais surtout poignante. Sans doute répétitive mais surtout variée. Un beau disque tout à fait à sa place sur Profound Lore mais aussi complètement singulier et atypique au regard de ce que réserve habituellement le vénérable Canadien.

De quoi revenir sur cet agaçant intitulé : "Des filles qui en ont...". L'introspection et la colère ne sont pas réservés qu'aux seuls mâles, le recueillement et la hargne sont des sentiments très humains. "Des filles qui en ont...", certes. Du talent à revendre, des choses à exprimer, de la technique pour les communiquer. Indéniablement, Helen Money est dotée de tout cela et montre que l'universalité peut être à l'origine d'un élégant et beau bordel. Il y a beaucoup à explorer dans son raffut ténu et abstrait aux nombreuses facettes et au nombreux recoins. Une belle pièce de mélancolie sèche où rien ne relève de la pose, quelque chose de particulièrement sincère qui, souvent, toujours, sait mettre le doigt sur nos ecchymoses et nos tracas en suggérant que la lumière délimite l'ombre et que la clarté recèle sa part d'obscurité.

Brillant.

leoluce

jeudi 28 novembre 2013

2013 au tamis : Synek - Kolysanka Do Gwiazd


Date de sortie : 25 janvier 2013 | Label : Further Records

Le temps, pire ennemi du chroniqueur qui oblige à laisser dans l'ombre des dizaines de grands disques dont l'aura continue pourtant d'irriguer nos synapses à l'approche des bilans. Dans un format plus concis que celui des chroniques habituelles du blog, cette série de rattrapages reviendra ainsi régulièrement sur ces laissés-pour-compte qu'un certain recul nous permet désormais de commenter sereinement.


Sur le thème "ENCORE UN PEU VERT ! - une première oeuvre pas tout à fait mûre" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.


Juré, on ne traque pas le Polonais sciemment à DCALC mais les mailles de notre tamis ont semble-t-il l'art de les accrocher ces jours-ci. En guise de première œuvre un peu verte sur les bords, c'est d'un second jet d'un noir d'encre qu'il va être question ici, pas loin des chapes désincarnées du compatriote Cezary Gapik sans en avoir encore la profondeur de champ, l'oppressante densité ou le souffle vicié mais après l'EP Paradiba sorti l'an dernier en cassette chez Rano et agrémenté des remixes d'un certain VLGRGRLZ (dont seule la face A malheureusement est en écoute sur le Bandcamp du petit label ricain), force est de constater que Synek n'en faisait pas moins fort belle impression en janvier avec ce premier long dont le nom signifie "berceuse pour les étoiles".

Tout romantisme à part, une étoile c'est quoi finalement ? Une boule de plasma dont la fusion du noyau émet une énergie sous forme de lumière. Dès lors, ne pourrait-on penser que bercer l'une d'entre elles revient à absorber son rayonnement, souffler du froid sur cet amas de magma gravitant dans un infini de vide et de ténèbres ? Eh bien la musique de Synek ne fait pas autre chose avec son dark ambient totalement dénué de mélodies et d'empathie, concentré de désolation donnant dans le minimaliste et la pure abstraction et dont les bourrasques lo-fi glacent la moindre émotion.

Pullulant de grouillis vaguement organiques qui évoquent la chair morte de quelque créature lovecraftienne errant dans le cosmos et rongée de l'intérieur par mille autres monstruosités sans visage, Kolysanka Do Gwiazd n'a finalement de vert que l'imaginaire ctulhuien que font naître à l'esprit angoissé les tentacules humides et froids de ses compos guettées par l'appel du néant. En bref, on n'est pas là pour rigoler et c'est tant mieux !

Rabbit

mardi 26 novembre 2013

2013 au tamis : Aqua Nebula Oscillator - Spiritus Mundi


Date de sortie : 25 novembre 2013 | Label : Pan European Recordings

Le temps, pire ennemi du chroniqueur qui oblige à laisser dans l'ombre des dizaines de grands disques dont l'aura continue pourtant d'irriguer nos synapses à l'approche des bilans. Dans un format plus concis que celui des chroniques habituelles du blog, cette série de rattrapages reviendra ainsi régulièrement sur ces laissés-pour-compte qu'un certain recul nous permet désormais de commenter sereinement.


Sur le thème "SUGAR SUGAR - une oeuvre narcotique, le type de drogue n'a pas d'importance" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques - deuxième partie.


Une œuvre narcotique ? Vaste sujet aux entrées innombrables : parle-t-on d'un disque dont les muses sont clairement opiacées ou d'une musique qui donne l'impression qu'elles le sont ? D'un disque qui pousse l'auditeur dans des sphères éthérées et floues, l'amenant à larguer les amarres et à oublier - un temps (sans doute trop bref) - le triste monde qui l'entoure ? Bref, si le sujet n'est pas en soi des plus faciles, il se trouve que le choix l'est encore moins. Mais puisqu'il faut trancher, tranchons et ce sera donc Spiritus Mundi, quatrième et nouveau long format en date de l'inoxydable Aqua Nebula Oscillator, triangle parisien qui, depuis un peu moins d'une quinzaine d'années, tente de dessiner  avec ses instruments des volutes de fumée bien denses qui s'enroulent sur elles-mêmes pour hypnotiser les corps et libérer les esprits. Et qui, souvent, y arrive. Difficile de dire si ces trois-là sont particulièrement chargés lorsqu'ils accouchent de leurs morceaux ou si c'est l'alchimie particulière qui les lie quand ils se retrouvent à jouer dans une même pièce qui exsude cette atmosphère et cette odeur si particulières. Une basse caoutchouteuse, une voix rauque, des interludes acoustiques apaisés, des guitares oscillant sans cesse entre le patraque et l'à peine plus énervé et un orgue acidulé permettent de circonscrire un album empruntant ça et là à Can, Amon Düül II et Spacemen 3.

Sombre et psychédélique, doté d'une sorte de groove motorik tenace qui pousse Spiritus Mundi à se relever même lorsqu'il atteint le plus bas que bas, Aqua Nebula Oscillator balance ses effluves comme d'autres balancent des pains : sans crier gare et en misant sur l'effet de surprise. Une ouverture en forme de comptine désaxée aux larsens vicieux et aux ondes inquiétantes qui laisse la place à un morceau déliquescent, requiem psycho-fatigué qui ne laisse en rien présager le fracas approximativement stoogien qui le suit. Plus loin, Jungle Man se la joue plutôt étendue désertique et tumbleweed volant aux vents, un panorama également convoqué pour Crystal Man avant que le groupe ne lâche ses chevaux contre toute attente pour dézinguer la seconde moitié du morceau. Et puis, on trouvera également l'orgue de Human Toad particulièrement halluciné et Roller Coaster, emprunté aux 13th Floor Elevators, particulièrement bien mené, sonnant comme une reprise de Spaceman 3 reprenant lui-même les Ascenceurs cramés d'Erickson. Du grand n'importe quoi très efficace et souvent jubilatoire. Car bien sûr, si l'album souffre d'un certain manque d'originalité, tout cela ayant été entendu avant, souvent et ailleurs, il contrebalance ses faiblesses par une exécution joliment habitée. Il est ainsi bien difficile de rester de marbre devant  les sitars de Varanasi ou les claviers virevoltants de Tu Seras Roi (seul morceau chanté dans la langue de Molière d'un album qui privilégie Shakespeare partout ailleurs).

"Tes perceptions seront comme un éclair dans le brouillard, tu verras la lumière à l'horizon", sympathique résumé de ce que réserve l'écoute de Spiritus Mundi : brouillard, lumière, éclair, effacement de la perception pour peu que l'on s'y laisse prendre. Un disque à même de dilater vos pupilles, celles de tous vos yeux, y compris du troisième. Narcotique, opiacé, certes mais surtout un bel hommage à tout ce que le binaire a su offrir de plus transgressif et psychédélique. Proto-punk et fatigué, Aqua Nebula Oscillator est pourtant bien loin d'être soporifique.

leoluce



2013 au tamis : Sundrugs - Hidden Scenes


Date de sortie : 25 avril 2013 | Label : BLWBCK

Le temps, pire ennemi du chroniqueur qui oblige à laisser dans l'ombre des dizaines de grands disques dont l'aura continue pourtant d'irriguer nos synapses à l'approche des bilans. Dans un format plus concis que celui des chroniques habituelles du blog, cette série de rattrapages reviendra ainsi régulièrement sur ces laissés-pour-compte qu'un certain recul nous permet désormais de commenter sereinement.


Sur le thème "SUGAR SUGAR - une oeuvre narcotique, le type de drogue n'a pas d'importance" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques - première partie.


Quand on se rétame la rétine aux radiations solaires, pas étonnant de tout voir à travers un voile de vapeur. Recrue séraphique de BLWBCK, les substances tout à fait licites proposées à la consommation libre et gratuite par Sundrugs sur cet album inaugural tranchent avec certains psychotropes aux effets plus dévastateurs couchés sur cassettes cette année par les sculpteurs de fantasmagories du label toulousain - au rang desquels Saåad qui souligne ici If You Call That Living d'un trait d'ésotérisme opaque. De là à dire après Undermathic qu'on est accro aux Polonais qui planent, il n'y a qu'un pas dans la poudreuse, mais cette fois, loin du maelstrom électronique maximaliste, c'est l'épure des drones éthérés qui préside aux pures sensations texturées de ces scènes cachées aux allures de souvenirs camés.

Chargé en drogues douces, l'esprit embué erre de rêveries en regrets, entre euphorie de la contemplation et euthanasie de la perception, mélancolie et nostalgie étroitement intriquées infusant ces réfractions de la mémoire abandonnée à la prison de ses propres reflets. La résignation guette, et pourtant un certain romantisme ne cesse d'irradier de ce jeu d'ombres familières, moteur des mélodies en slow motion suspendues à l'intersection de l'espoir et de la dépression, de l'apesanteur et de l'apesanti, conscient que ce remake mental même copieusement arrosé de chimie n'aura jamais tout à fait la saveur de la réalité manquée.

Rabbit

dimanche 24 novembre 2013

2013 au tamis : Undermathic - Indistinct Face


Date de sortie : 19 février 2013 | Label : Tympanik Audio


Sur le thème "LIFE ON MARS? - une musique d'une autre planète ou presque" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.


Le temps, pire ennemi du chroniqueur qui oblige à laisser dans l'ombre des dizaines de grands disques dont l'aura continue pourtant d'irriguer nos synapses à l'approche des bilans. Dans un format plus concis que celui des chroniques habituelles du blog, cette série de rattrapages reviendra ainsi régulièrement sur ces laissés-pour-compte qu'un certain recul nous permet désormais de commenter sereinement.

Trip narcotique d'un artiste nordique (Maciej Paszkiewicz est polonais) avec une fille qui le vaut bien sur sa pochette hideuse aux faux airs de pub pour après-shampoing, avec 15 ans de moins j'aurais fait de cet Indistinct Face mon Teen Titan à l'égal des cultissimes travaux warpiens d'Autechre ou Disjecta et Undermathic était lancé pour le grand chelem des thèmes du Grand Jeu des Blogueurs. Autant dire qu'on aurait pu vous en parler un peu chaque jour de ce bonhomme-là, à commencer - toujours pour coller au cahier des charges de la semaine - par son Deleted encore un peu vert (jusque sur sa cover) qui compilait il y a deux ans des morceaux de jeunesse déjà révélateurs d'un talent hors-norme pour une IDM mutante et contrastée, à la fois métallique et organique, abrupte et délicate, passerelle entre la classe anguleuse de Skam et l'aura downtempo du son de Bristol - et en particulier des diamants noirs de Massive Attack (Mezzanine en tête).

Mais s'il y a une chose qui ne trompe pas sur l'illustration trop lisse pour être honnête de ce troisième opus renouant, après les envolées emo d'un 10:10PM qui flirtait peut-être de trop avec la dramaturgie orchestrale du trip-hop et le glamour crépusculaire du ciné d'anticipation, avec les maelstroms post-indus paradoxalement éthérés du parfait Return To Childhood, c'est ce sol lunaire aux allures de jardin japonais, signe que l'on est ailleurs, en milieu anaérobie, et que ce mannequin à la peau nacrée d'un gris irréel a tout du Réplicant, du genre à rêver de moutons génétiquement modifiés en écoutant Amon Tobin fusionner ses beats somatiques avec la matière cellulaire. Elle a deux bras, deux jambes et d'autres attributs mais ressent, respire différemment de nous, un peu comme la musique d'Undermathic dont les circonvolutions métamorphes faites de clicks, de cuts et de flux lymphatiques semblent vivre, grandir et mourir sans intervention extérieure. Chacun de ses pensées se fond dans la suivante pour éclater en un milliard de questionnements existentiels qui se heurtent aux limites de sa perception pas tout à fait charnelle, engendrant chez le cyberhumain une étrange mélancolie.

Alors bien sûr un tel flot de sons, d'émotions et d'idées en vient parfois à déborder à l'image des arrangements hollywoodiens d'un Hope In His Eyes un brin dégoulinant, mais dans l'ensemble on ne peut qu'être impressionnés par cette maîtrise de la profusion, tout un art de l'équilibre dans le chaos résumé par Three Different Worlds où s'entrecroisent effectivement trois univers a priori antinomiques, emphase symphonique, sound design cristallin et beats cybernétiques. Un tourbillon dense mais finement détaillé d'émotions contradictoires télescopant cordes élégiaques et distos viscérales, tension implosive des rythmiques de laborantin et poésie des percussions de sons trouvés, nappes analogiques pullulantes et mélodies épurées gonflant lentement sous la masse mouvante de la production, une beauté sans cesse sur le fil et pourtant capable de vous décoller les neurones par milliers à chaque coup de butoir martial de ces reflux du subconscient.

Rabbit

vendredi 22 novembre 2013

Arve Henriksen - Places Of Worship

 

Date de sortie : 6 septembre 2013 | Label : Rune Grammofon


Sur le thème "MUSIC FROM THE NORTH COUNTRY - un seul mot d'ordre : Nordique !" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.


Puisque le temps est à la neige et que nos confrères mangeurs de galettes cèdent à l'appel du grand nord, quoi de mieux que l'ambient-jazz d'Arve Henriksen et sa trompette radiante flirtant avec la grâce naturelle du grand Miles sur un océan de glace et de silence ? Car lorsque l'on associe Norvège, immersion et musiques singulières, il y a le black metal bien sûr, mais surtout ce trésor national (pas plus prophète en son pays qu'ailleurs malheureusement) que constitue Rune Grammofon, avec son jazz aventureux lorgnant sur l'électronique (Biosphere, Phonophani), le metal (Shining), le prog élégant (Motorpsycho), la noise (Moha!) voire récemment la pop (Jenny Hval) mais s'accordant toujours à la croisée de l'impro libertaire et du patient paysagisme d'atmosphère.

Astre pâle mais ardent de cette galaxie expérimentale, Supersilent continue de décliner régulièrement en sorties numéraires ses méditations impressionnistes et contrastées aux saillies névrotiques, 11 le dernier volume en date nous faisant tout de même patienter depuis plus de trois ans. Quant à Deathprod, le projet solo d'Helge Sten, son dark ambient aride et fantasmagorique semble être aux abonnés absents depuis pas loin d'une décennie. Qu'importe, il nous reste Arve Henriksen, fabuleux chez Jan Bang, saisissant dans le presque néant de spleen atone du grand David Sylvian et ici serein comme rarement entre deux regains de tension cinématographique (cf. Portal et les basses à la Danny Elfman du synthé d'Erik Honoré), centre d'attention de cet album solaire et aquatique, brumeux et clair, poignant et abstrait, tout ça dans ce même souffle chaleureux et quelque peu anxieux du cuivre que le gel vient figer en un fin halo de cristaux suspendus.

A l'arrière-plan de cette trompette qui monopolise l'espace de sa majestueuse gravité, les notes de clavier se déposent en poudreuse (Le Cimetière Marin), le piano se condense doucement dans l'air humide (The Sacristan), les cordes du Stahlquartett distillent leur malaise impalpable sur fond de remous aquatiques (Saraswati), les nappes de textures et de chœurs samplés de Jan Bang flottent au gré de la brise (Adhan) et du grand désert blanc naît soudain un mirage d'Orient, des esquisses d'Espagne (Alhambra et sa guitare aux cascades toutes latines), une chapelle hors du temps dont le diacre au timbre aussi perché qu'un Sigur Rós à la croix de bois n'est autre qu'Henriksen lui-même, troquant la trompette pour le chant liturgique le temps d'un Lament qui se muera plus loin en comptine angoissée sous les arches aux ombres inquiétantes d'une cathédrale abandonnée.

Qu'à cela ne tienne, puisque le bien-nommé Shelter From The Storm, cocon de lyrisme feutré qu'illumine cette fois la mélancolie vocale d'Honoré - au chant éclaboussé par la sagesse du sus-nommé Sylvian si souvent assisté sur album cette dernière décennie - sera de très loin le morceau le plus apaisé et lumineux qu'on vous aura conseillé d'écouter cette année. Un refuge printanier loin du tumulte de nos vies agitées qui finit de faire de ce Places Of Worship le lieu de recueillement privilégié de nos cœurs gercés aux désirs incertains.

mercredi 20 novembre 2013

The Third Eye Foundation - Ghost


Date de sortie : 22 avril 1997 | Label : Domino


Sur le thème "TEEN TITAN - un disque usé jusqu’à la corde étant ado" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.


Disque ado, tant toisé là-haut sur l'étagère envahie de poussière et de regrets.

Temps à dos, disque usé par nature avant même d'avoir été posé sur la platine puis usé jusqu'au désaccord, BO hardcore d'une post-adolescence aux allures de bal des suicidées.

Le genre de porte ouverte sur soi dont ne revient pas, le genre de disque auquel on ne reviendra plus par peur de se voir recracher au visage toute cette misère, toute cette noirceur phagocytées par la musique de Matt Elliott, réceptacle un peu trop complaisant de nos névroses et de nos frustrations pour ne pas voir en ce Christ auréolé de dédain qui ornait la pochette de You Guys Kill Me, ou derrière la mer d'encre aux huit soleils accusateurs de ce Ghost obsédant qu'on oublie trop souvent au profit des cauchemars urbains de son sinistre successeur, l'ironie de celui qui n'offre un répit à nos âmes que pour mieux les voir se démener avec leur tendance indécente à l'autodestruction.

Ces radiations malsaines qu'on devinait déjà sous le bruit blanc gazier de Semtex, l'Anglais n'en est qu'à moitié revenu depuis. Des limbes hantologiques du rédemptoire Little Lost Soul à la fausse nonchalance latine du récent Only Myocardial Infarction Can Break Your Heart qu'une conscience aigüe du dérisoire ne protège pas toujours d'un retour de flamme de ces tourments du cœur lancinants et hantés, la permanence s'est peu à peu muée en un troublant dilettantisme pour ces spectres si longtemps combattus, capitulation d'un commun accord qui marque les limites de la disco du Bristolien depuis la trilogie des Songs. Car à l'époque de Ghost pas question d'arrangement avec soi, pas question de temps de parole généreusement concédé par le sommeil de la raison, les monstres tenaient la tribune et leur géniteur ne demandait pas mieux que de les laisser là, coulés dans leurs microsillons et frappés du sceau de la catharsis.

Purgatoire drum'n'bass pour chorale de damnés, shoegaze lo-fi charriant des milliers de harpies à demi-putréfiées et dont les boîtes à rythmes épileptiques et décharnées servaient de squelette au déferlement de distorsions sordides et d'échardes rouillées, opéra de ténèbres à la gloire de nos douleurs éviscérées, Ghost était donc bien là pour refiler le bébé de Rosemary, le jeter avec l'eau du bain jusqu'à ce que d'autres arpenteurs des égoûts de l'humanité le tirent de sa fange et s'en entichent pour le nourrir au sein de leur dégoût de soi. Ce fut elle, ce fut moi, bien d'autres aussi, sans doute, chacun croyant entendre les démons bourdonnants de l'Anglais lui susurrer à l'oreille leur litanie funeste, chacun les sentant aspirer un peu de son malheur et le scarifier en retour, chacun refermant enfin la boîte de Pandore sur les cendres encore chaudes de ses idéaux sacrifiés.

Un antidote comme un autre au romantisme adolescent qui l'a vu naître et n'y survivra pas.

Rabbit


lundi 18 novembre 2013

2013 au tamis : Jessica 93 - Who Cares


Date de sortie : 20 juin 2013 | Label : MusicFearSatan, Teenage Menopause, Et Mon Cul C’est Du Tofu ? 


Sur le thème "THE WEAR DON'T MAKE THE MONK - pochette hideuse mais disque génial" du Grand Jeu Sans Frontières des Blogueurs Mangeurs de Disques.


Jessica parce qu’il se serait nommé ainsi s’il était né de sexe féminin, 93 parce que c’est là d’où il vient, Jessica 93 parce que « ça donne un truc assez pathétique pour un trentenaire ». Il a eu des groupes nommés Natural Moustik et Mobylette Facile, a sorti un premier album éponyme et écumé les squats parisiens. Geoffroy Laporte a sorti en juin dernier Who Cares, à la fois sur MusicFearSatan, Et Mon Cul C’est Du Tofu ? et Teenage Menopause.

Un pochon de crack d’où sort une touffe de mauvaises herbes, un pont de banlieue, son nom d’artiste tagué en rose dégoulinant, la pochette de Who Cares donne les codes : la crasse urbaine, la glauquerie et le RER filant loin de Paris. Ajoutez au mélange le clip de Poison, un plan fixe de 5'37 minutes durant lequel M. Laporte déguste un gros kebab dans un rade, et vous obtenez l’univers visuel de Jessica 93. Le pire c’est qu’on trouve ça génial. 

Pour ce qui est de la musique, les lignes de basse ne sont pas moins grasses qu’un grec, les boucles de batterie maintiennent un cap inébranlable tandis que la guitare tresse par dessus de longues mélodies grinçantes. Le schéma est simple, mais la technique carbure, le ton de Who Cares s’avère répétitif, psyché, lo-fi et proprement grunge. Jessica 93 brasse des rythmiques suintant la coldwave et le post-punk, déniche les trois notes qui précisément te créent des pincements de jouissance dans la poitrine (Away) et déclame des paroles en anglais et en français d’une voix de shoegazer. En concert, alors que sa musique atteint une parfaire dimension hypnotique et poisseuse, il regarde effectivement ses pompes, mèche grasse sur le front. Grunge, on vous a dit. 

« Reste bien tranquille, j’voulais être une fille » chante-il. Dommage, on t’aurait accueillie à bras ouverts, Jess. 

Manolito


dimanche 17 novembre 2013

Oiseaux-Tempête - s/t


Date de sortie : 13 novembre 2013 | Label : Sub Rosa

On connaît Frédéric D. Oberland et Stéphane Pigneul pour leur présence au sein des passionnants FareWell Poetry et Le Réveil des Tropiques. Avec Ben McConnell (Beach House, Au Revoir Simone, entre autres) à la batterie et Stéphane C. du côté des field-recordings, de la photo et de la vidéo, ils forment Oiseaux-Tempête. C’est Sub Rosa, mythique maison bruxelloise, défrichant et révélant l’avant-garde musicale depuis les années 1980, qui publie leur premier album.

En avril dernier, le groupe se produit à l’église St Merry à l’occasion d’une soirée de projections, d’installations et de concerts. Un film de Stéphane C. complète leur performance, Gareth Davis les accompagne à la clarinette basse, le moment est d’une beauté rare, et le choc de la découverte, total. Tel fut le premier contact avec la musique de Oiseaux-Tempête. Ce détour pour expliquer en quoi, après la fulgurance de cette approche première, l’entrée dans l’album a pu s’avérer exigeante. Fait de 11 morceaux, allant de deux à 17 minutes - une heure et quelques en tout - force est de constater que le disque est dense, épais, contrasté. L’aborder, dans un premier temps, revient à évoluer dans le brouillard, tâtonnant, à accepter l’absence de repères, et à gagner peu à peu en points d’accroche. Mais ce serait se répéter que de dire que ce genre déroutement initial annonce souvent un grand disque.

A la croisée du free rock et de l’ambient, l’album navigue sans cesse de l’un à l’autre. Oiseaux-Tempête parvient à livrer un objet dont la construction n’a rien de prévisible. Une plage  bourdonnante de menaces peut amener à l’ondoiement de deux mélodies de guitare d’une douceur éloquente (La Traversée). On peut passer en 17 minutes d’une errance à la fois flottante et déterminée à un déluge lent et lourd de riffs sortis de cavernes infernales (Ouroboros). On peut évoluer du rock le plus urgent (Kyrie Eleison) à des périodes de calme planant et arythmique, ponctué de chuchotements et de plaintes de saxophone (L’île).

Il est nécessaire par ailleurs de prendre en compte la visée « poétique et politique » du disque et son inspiration puisée dans la situation sociale de la Grèce. Les images de rues, de manifestations, de pauvreté, de visages, de balcons ou de CRS, filmées par Stéphane C., restent pour longtemps en tête. C’est cette urgence et cette gravité que le groupe cherche à mettre en musique et à accompagner, et il le fait brillamment.

Manolito

lundi 4 novembre 2013

Interview from the heart of darkness : 13/ Babalith


A croire que le numéro 13 attire vraiment le mauvais oeil, cette interview revient de loin. Réalisée à l'occasion de la sortie d'Elsewhere, ultime volet de notre compilation Transmissions from the Heart of Darkness dont le Portugais signait en avril dernier le morceau le plus étrange et déstabilisant tout en radiations transcendantales et modulées jusqu'au vertige, elle nous a donné du fil à retordre côté traduction.


Il faut dire que l'ésotérisme qui imprègne le dark ambient de Babalith est une philosophie à part entière pour son alter-ego André Consciência, artiste multifacettes que l'on retrouve aux manettes des collectifs lisboètes Korvustronik et Abismo Humano consacrés aux scènes expérimentales et gothiques du cru. C'était donc l'occasion rêvée d'en savoir plus sur cette prégnance du mysticisme et de la mort sur les sorties de ce féru d'occultisme à travers les âges, des vortex abstraits de Flute Of LAM aux épopées cosmologiques d'Obscuro Quasar ou Monte 6 (associé à son compatriote Aeternum X) en passant par la descente aux Enfers du flippant Xibalba Mannequins chroniqué dans nos pages l'an dernier ou la compilation d'inédits B-Side Me qu'il offre au téléchargement en attendant la sortie de son prochain opus prévue en fin d'année.



L'interview

- Des Cendres à la Cave : Que trouve-t-on dans ta cave - ou dans l'endroit où ta musique prend corps ?

André Consciência : Hah, en fait il s'agit d'un grenier. Permets-moi de jeter un coup d'oeil alentour. Quatre haut-parleurs, beaucoup de CD, deux cendriers avec des tas de cigarettes, du tabac, différents oracles peints à la main, des briquets, des bracelets en pierre, une femelle lézard prénommée Itza, un ordinateur et deux écrans. Un autel, plein de livres, des cendres, des gants, des peintures païennes et autres dessins hermétiques, des runes de créatures lunaires, des brûleurs d'encens, un couteau, une pipe, des plumes d'oiseau et - enfin! - 3 micros, un didgeridoo, une flûte, deux djembés, des os de chien avec lesquels je fais des rythmes, une lampe à huile avec le visage de Pan sur laquelle je souffle pour faire des sifflements, un marimba, des maracas, une guitare acoustique et une électrique, deux claviers et un harmonica.

- Si tu devais associer ton morceau à une image, quelle serait-elle ?

Le morceau composé pour cette compilation-là ? Hum... Le tunnel de la mort lui-même descendant tel une sphère blanche de son et de lumière, et qui, en nous scannant, nettoierait toute la matière morte de nos âmes.

- Tu es le fondateur d'Abismo Humano, un collectif qui s'intéresse à tous les aspects de la scène gothique portugaise via un fanzine, une webradio, un label, etc. A quand remonte ton intérêt pour ce mouvement musical et comment a-t-il pris naissance ? Son héritage est-il vivace au Portugal ?

Je ne considère pas la scène gothique comme un mouvement musical, je considère que c'est un livre que l'on peut d'abord lire comme un traité sur l'architecture, ou plus tard sur la littérature gothique à proprement parler, du XVIIIe siècle au début de l'époque victorienne. Ça vient de l'illuminisme au travers de nombreuses formes d'art qui ont une symbologie spécifique. Je considère de fait la sous-culture gothique comme un secret transmis par la contemplation intelligente d'une esthétique, et aussi de certains principes philosophiques et métaphysiques. Cependant je ne souhaite pas trop m'étendre sur cet aspect, car j'ai beaucoup à dire sur le sujet. Son retour tardif, quoique déjà bien vivant au cinéma, fait l'objet d'un boom fascinant en musique, de l'horror-punk au deathrock, du post-punk à la darkwave, et puis un bon millier de descendants, dont le dark ambient fait partie.

Lorsque j'étais tout jeune, mon oncle m'avait déjà familiarisé aux Bauhaus, Fields Of The Nephilim, Peter Murphy, Love And Rockets, et autres classiques de cette époque. Il qualifiait tout ce mouvement d'anti-rock, et n'y faisait pas référence en terme de musique gothique. J'ai toujours eu depuis une forte attirance pour l'esthétique gothique et sa mystique, ses cheminements expérimentaux et audacieux. Si vous regardez de près, tous ces groupes pionniers de la scène dark sont uniques, quelque chose quasiment venu de nulle part avec pour seules fondations le punk et le côté sombre de la philosophie hippie. Certes, tu as donc bien un courant né de groupes tels que Fields Of The Nephilim ou des formations néo-folk avec un vaste répertoire de symboles et d'enseignements hermétiques. Mais en avançant jusqu'à mes années d'adolescence, j'ai vécu le décès de ma petite amie et ça m'a amené à me plonger dans tous les médias sur l'art et la philosophie pour mieux appréhender la mort, la perte d'un être cher et comment parvenir à faire sa vie sans lui. Je n'ai pu depuis que crouler sous la littérature gothique, l'art, la musique et à chaque fois une attention toute particulière aux paroles. J'ai décidé qu'aucun être humain ne pouvait découvrir son âme sans commencer par la perdre, et qu'aucune âme n'a suffisamment d'espace pour se rencontrer elle-même sans un abîme dans lequel évoluer. J'ai décidé que l'art était la compréhension, que l'art était la guérison, que l'art était l'ouverture d'une porte à chaque fois qu'il n'y a pas de porte pour nous laisser sortir, ou entrer. L'art est la philosophie et la religion la plus profonde qui soit, mais toutes les religions sont des cultes de la mort à leur commencement et à leur fin.

C'est vrai que l'héritage gothique est endurant au Portugal, bien qu'il en vienne presque à s'éteindre de temps à autre. Il s'agit néanmoins d'une sous-culture fascinante, et quand la flamme vacille vous n'avez qu'à vous consacrer à votre travail et elle retrouve de sa superbe. J'ai cette idée en raison de l'effort constant de certains activistes old school tels que les Graveyard Sessions, la Fade In Association, et des nouveaux mouvements comme Abismo Humano qu'ils engendrent désormais du côté de la jeune génération. Je me réfère davantage à la scène darkwave/goth rock/deathrock, car il y a déjà beaucoup de choses consacrées au metal gothique par ici. Rien à redire à ce propos. Quant au dark ambient, eh bien, il y a un label que j'administre avec Aeternum X appelé Korvustronik, nous faisons de notre mieux mais la scène, en ce qui concerne son auditoire plutôt que ses musiciens, est moribonde, si jamais née.

- Un certain nombre de tes albums en tant que Babalith abordent la musique comme une véritable expérience transcendantale. Éprouver les sens de l'auditeur, c'est aussi ce que tu recherches lorsque tu évolues dans des sphères plus dark ambient comme sur Xibalba Mannequins ?

Admirable question. Disons que principalement ma mission est d'aborder la musique comme une pratique transcendantale, l'aspect dark ambient vient du fait que je suis naturellement enclin à ce genre lorsque je compose. Mais parfois, je fais du dark ambient d'une façon moins expérimentale, comme sur Xibalba Mannequins. Il y a une différence dans la méthode. Je ne pense pas avoir accompli quoi que ce soit de nouveau musicalement, d'un point de vue technique, avec Xibalba Mannequins, mais ça a été très intense de le faire. J'ai écrit - étant avant tout écrivain - et réalisé des performances pour un livre public gargantuesque portant le nom de cet album, chaque nouveau texte est dédié à l'une des maisons de la mythologie de Popol Vuh. Chacune des maisons dispose d'un seigneur/mannequin pour la représenter. Cette fois, j'ai dû plonger à l'intérieur de moi-même et demander la permission d'entendre la musique. C'est plus facile d'entendre les mots, ils sont moins directs tandis que la musique est de l'énergie pure. J'ai offert une partie de ma force vitale au Percepteur de Sang en échange de l'inspiration, et en conséquence j'ai été rapidement malade, atteint de fièvre et j'ai composé l'album entier dans cet état de santé et cet été d'esprit. La dernière piste, je crois, surmonte là encore toute cette expérience jusqu'à la transcendance, me permettant de répondre à cette question que je me posais aussi à moi-même : oui, c'est également ce que je recherche dans le dark ambient.


- Plusieurs de tes disques, qu'il s'agisse de Xibalba Mannequins ou de l'EP Follow The River par exemple, font référence aux croyances méso-américaines, d'autres encore à l'islam (Le Musqueé du Pape Femme) ou aux mythologies nordiques (Northern Sea Drops) voire égyptiennes (Huni Kui). Qu'est-ce qui te fascine dans le mysticisme, le chamanisme par delà les cultures et les religions ?

Huni Kui est avant tout un hymne aux enseignements que j'ai reçus d'une cérémonie de prise d'Ayahuasca. Après la cérémonie, je me suis réveillé avec l'album entier dans mon esprit et je l'ai terminé en une semaine. Je le considère en un sens comme un album complexe, c'est donc une sorte de miracle, ou pas tant que ça si vous considérez que votre cerveau peut traiter autant d'informations sous l'effet de l'Ayahuasca que lors d'une expérience de mort imminente. Huni Kui, bien que l'album ait bien quelques influences égyptiennes, fait ici référence au nom d'une tribu qui utilise l'Ayahuasca. Huni Kui est généralement traduit par « peuple chauve-souris », mais signifie en réalité « peuple de la vérité ». La chauve-souris possède une caractéristique intéressante. Pensez-y. La chauve-souris chante pour apprendre, et apprend grâce au chant. A travers ses chansons, elle comprend l'espace autour d'elle et comment interagir avec lui. Elle a la musique en tant que connaissance. Dans la tradition chamanique, chanter est le plus grand des pouvoirs car c'est l'unique moyen d'exprimer la vérité. Le son est un élément lié de près aux anges : ils se manifestent par le feu, mais ils sont des êtres de son. Xibalba Mannequins et Follow The River ont tous deux des références aux cultures aztèque et maya. Il y a une similitude fondamentale entre ces cultures et les mythologies païennes des Scandinaves, l'Égypte et l'Islam, elles puisent leur force dans les cieux. Il y a une tradition d'anciens traitant avec des intelligences célestes enracinée depuis bien avant l'Égypte, du temps des Sumériens. Cette tradition a été réorganisée et résumée à l'époque de la Renaissance, ce qu'on a alors appelé égyptianisme et que l'on nomme aujourd'hui hermétisme. Mais j'aime la façon dont tu présentes la chose : « le chamanisme par delà les cultures et les religions ». Le chamanisme est l'essence de toute spiritualité, et l'essence de la spiritualité, c'est la créativité : la créativité aligne le "toi" microscopique avec le "toi" macroscopique, ou autrement dit localise ta place dans le monde, un endroit où tu es libre de te transcender en affirmant ton existence et surtout en témoignant la joie de l'existence autour de toi - ce que signifie "être" - et aligne l'intellect avec l'émotion et l'émotion avec le corps. Toutes les religions et toutes les cultures se cristallisent autour de cette science entre les hommes et l'univers, l'esprit et le corps. Il faut comprendre, cependant, qu'il n'y a rien d'autre que de l'eau dans la glace. Et il n'y a donc rien d'autre que la méthode chamanique derrière la plus complexe des cérémonies, et rien d'autre que de la créativité et de la fluidité derrière l'enseignement ou la loi les plus rigides ou élaborés.

- Sur Under Cover l'an dernier, tu t'attaquais à des reprises de groupes très divers, des Beatles à Anathema en passant par Love And Rockets, Nine Inch Nails ou Danny Elfman. Était-ce par défi, par affinités, un peu tout ça ?

Je dois dire que j'ai vraiment senti le challenge sur celle de Danny Elfman. De tous les morceaux celui-là a été le plus difficile à reproduire sur Under Cover. Bien sûr, j'ai toujours ressenti une certaine pression en me réappropriant ces grandes compositions. J'avais l'impression que chacune de ces reprises était une profanation et tout à coup j'ai commencé à apprécier ce sentiment. Il faut tellement plus de dévouement pour être un iconoclaste, et la dévotion est une joie.

- Peux-tu nous parler un peu de tes projets dans l'immédiat ?

Sombre Soniks viennent de sortir un morceau de Babalith inspiré du film asiatique Dolls, dans le cadre du dernier volume en date de leurs compilations Dark Ambient, ainsi qu'une cassette pour les 23 Sessions. Il s'agit d'une piste de 23 minutes, composée à partir de bruits d'insectes entrelacés avec la bande-son d'un rituel chamanique enregistré sur magnétophone. C'était à Lughnasad, aligné avec un Chaorder du rituel Silver Dusk. C'est intéressant parce que le nombre 23 est important à la fois pour l'album et pour le véritable rituel. 23 signifie chaos, génération, multiplication, créativité. C'est le nombre des courants Magick Chaos.


La prochaine chose que j'ai à l'esprit est une collaboration avec IA Ritualistic Ambient pour une future compilation du label Sombre Soniks.

Je vais également figurer sur la deuxième compilation de Korvustronik avec un inédit et peut-être que vers la fin de l'année vous aurez droit à un nouvel album à part entière de 24 morceaux, à paraître au format physique par le biais de Sombre Soniks. Le CD s'intitulera Inferno et raconte à travers mon propre point de vue le passage de Dante à travers les cercles inférieurs de la Divine Comédie. Ce travail est terminé et en attente de voir la lumière du jour.

[ci-dessous, la participation de Babalith à la première compilation de Korvustronik sortie en avril dernier]


Vous pouvez vous attendre à quelque chose de très différent. Cet album sera plus orienté Death-Industrial je dirais.



Version originale

- Des Cendres à la Cave : What can one find in your basement - or wherever your music takes shape ?

André Consciência : Hah, it's actually an attic. Let me take a look around. Four speakers, many CDs, two ashtrays with many cigarettes, tobbaco, different oracles painted manually, lighters, stone bracelets, a female lizzard named Itza, a computer and two screens. An altar, plenty of books, ashes, gloves!, pagan paintings and hermetic drawings, some sigils from intelligences of the moon, incense burners, a knife, a pipe, bird feathers and finally! 3 microphones, a didgeridoo, a flute, two djambes, dog bones with which I make rythms, an oil lamp with the face of Pan on which I blow to whistle, a marimba, maracas, an acoustic guitar, an electric guitar, two keyboards and an harmonica.

- If you had to associate your track to an image, what would it be ?

The track on this very compilation? Hm... The tunnel of death itself descending as a white sphere of sound and light, which, scanning us, would clean all dead matter from our souls label by label.


- You are the founder of Abismo Humano, a collective interested in all aspects of the Portuguese gothic scene through a fanzine, a webradio, a label, etc. Since when are you interest in this musical movement and how did it come about ? Is its legacy enduring in Portugal ?

I don't consider the gothic scene a musical movement, I consider it a book one first can read on architecture, later on the actual gothic litterature from the XVIII century to the beginnings of the victorian. It goes on from illuminism through many art forms which have a specific symbology. I therefore consider the gothic subculture to be a secret transmitted through intelligent contemplation of the aesthetics, and, also, of some philosophical and metaphysical principles. I don't want, though, to extend myself too much on this, as I have much to say on the subject. The late movement, although already pretty much alive at cinema, finds a fascinating boom on the musical movement, from horror-punk to deathrock, post-punk to darkwave, and then a thousand offsprings, from which dark ambient is one of them.

As a very young kid, my uncle had already introduced me to Bauhaus, Fields Of The Nephilim, Peter Murphy, Love And Rockets, and the classics from that time. He called it all the anti-rock movement, he didn't refer to it as gothic. I had since always a strong call on the gothic aesthetics and its mystics, its daring and experimental ways. If you take a close look, all the pioneer bands on the dark musical scene are unique, something almost born out of nothing with only punk and the darker side of the hippie philosophy to back it out. Well, you do have a current from out of bands like Fields Of The Nephilim or neofolk bands with a vast repertory of hermetic symbology and teachings. But, moving forward, it was at my teen years, I experienced the death of my girlfriend and this made me search for all medias on art and philosophy to better understand loss and death and how to make a life out of it. I had since then no way of not crumbling on goth litterature, art, music and lyrical content everytime. I decided that no human could find his soul without losing it, and that no soul has enough space to meet "withself" without a whole abyss in which to move. I decided that art was understanding, that art was healing, that art was the opening of a door everytime there is no door to let us out, or in. Art is the deepest philosophy and religion, but all religions are deathcults at the beginning and at the end.

The gothic legacy in Portugal is, yes, enduring, although almost vanishing now and then. It is a fascinating subculture though, and when the flame is diminishing you just have to be devoted to your work and it spreads. I think that most due to the constant effort of some old schoolers like the Graveyard Sessions and Fade In Association and new movements like Abismo Humano it is only now getting to the younger generations. I'm referring more to the darkwave/goth rock/deathrock scene, for there is much already on gothic metal here. No complaints on that side. As for Dark Ambient, well, there's a label I administer with Aeternum X, Korvustronik, we are trying our best but the scene, not so much in what respects the musicians, but mostly the listeners, is pretty dead, if ever born.


- Several of your albums as Babalith approach music like a real transcendental experience. Afflicting the senses of the listener, is it also what you're looking for when you dive into more dark ambient spheres like with Xibalba Mannequins ?

This is a most admirable question. Let's say that mostly my main mission is to approach music as a transcendental practice, dark ambient comes about because I'm naturally inclined to it while composing. But sometimes I do Dark Ambient in a not so experimental way, as in Xibalba Mannequins, like you mentioned. There is a difference in the method. I dont think I have accomplished anything new in music, technically speaking, with Xibalba Mannequins, but it was very intense doing it. I have been writing - I am most of all a writer - for a giant and public book and also performing to it, the book has the name of the album, each new text is for one of the houses based on the Popul Vuh mythologies. Each house has a lord/mannequin to represent it. This time I had to dive in and ask permission to hear the music. It's easier to hear the words, words are less direct while music is naked energy. I offered some of my vitality to the Blood Gatherer in exchange for inspiration, as a result I was quickly sick and with fever and composed the whole album in this state of health and mind. The last track, I believe, surmounts the whole experience once again to the transcendental, and therefore also answering this question to myself, yes, that's also what I'm looking for in dark ambient itself.


- Many of your records, whether Xibalba Mannequins or Follow The River EP for example, refer to Mesoamerican beliefs, others to Islam (Le Musqueé du Pape Femme), Nordic mythologies (Northern Sea Drops) or even Egyptian (Huni Kui). What fascinates you in mysticism, shamanism across cultures and religions ?

Huni Kui is mostly an hymn to the teachings I acquired from drinking Ayahuasca ceremonially. After the ceremony I woke up with the whole album in my mind and had it finished in a week. I consider it to be a complex album in a way, therefore it is some kind of a miracle, or not so much, if you consider your brain can process as much information while under the effect of Ayahuasca as in a near-death state. Huni Kui, although the album is with some egyptian influences, is the name for a tribe that works with Ayahuasca. Huni Kui is usually translated as "bat-people", but means in truth, "truth people". The bat has an interesting characteristic. Think about it. The bat sings to learn, and learns by singing. Through his songs he understands space around him and how to relate to it. He has music as knowledge. In shamanic tradition singing is the highest power because only by singing you can express truth. Sound is an element most related to angels : they manifest by fire but they are sound. Both Xibalba Mannequins and Follow The River have references to the aztec/mayan culture. There is a fundamental similarity to them and the pagan norse mythologies, egypt, and islamism, they all draw on celestials. There is a tradition of old dealing with celestial intelligences rooted since before Egypt, on Sumeria. This tradition was reorganized and summarized by the time of the Renaissance, and is what they called at the time : egyptianism and what we now call hermetism. But I loved the way you put it : "shamanism across cultures and religions". Shamanism is the essence of any spirituality, and the essence of spirituality is creativity : creativity aligns your micro self with your macro self, meaning that it finds your place in the world, a place where you are free to transcend by affirming the act of your existence and mostly testifying the joy of existence around you - which is what being is - and aligns the intellect with emotion and the emotion with the body. All religions and all cultures crystalize around this science between men and the universe, the mind and the body. One must understand, though, that there is nothing but water in the ice. And therefore there is nothing but the shamanic method behind the most complex ceremony, and nothing but creativity and fluidity behind the most elaborate, rigid teaching or law.


- With your Under Cover album last year, you've been dealing with a bunch of very diverse bands and musicians, from the Beatles to Anathema through Love And Rockets, Nine Inch Nails or Danny Elfman. Was it a kind of challenge for you ?

I must say I really felt challenged on Danny Elfman's. Of all the tracks this was the most difficult to reproduce on Under Cover. Sure I always felt the pressure of dealing with such great compositions in my own terms. I felt every single track was a profanation and suddenly I began to like that feeling. It takes so much more devotion to be an iconoclast, and devotion is joy.

- Can you tell us more about your plans in a near future ?

Sombre Soniks just released a Babalith track inspired on the asian movie Dolls, part of the latest volume of the Dark Ambient compilations, and a tape for the 23 Sessions. The tape is a 23 minute track, composed on the sound of insects and interlaced with the sound of a shamanic ritual captured on the recorder. This was from Lughnasad and was aligned with a Chaorder of the Silverdusk ritual. This is interesting because of the number 23 being so important on both the release and the actual ritual. 23 means chaos, generation, multiplication, creativity. It is the number for the Chaos Magick currents.

Next thing in mind is a music with IA Ritualistic Ambient for a Sombre Soniks compilation.

I will also be featured on the second Korvustronik compilation with an exclusive and maybe when the year is closing you'll have a full lenght album, of 24 tracks, released on the physical through Sombre Soniks. The CD will be called Inferno and it narrates through my own point of view the crossing of Dante through the lower circles on Divine Comedy. This work is completed and awaiting the light of day.

You can expect for this something different from the usual. It will be more Death-Industrial I would say.


Propos recueillis par Rabbit