mercredi 9 mai 2012

Leonardo Rosado - The Blue Nature Of Everyday


Date de sortie : 8 mai 2012 | Label : Autoproduction

N'y allons pas par quatre chemins, Leonardo Rosado est un grand de l'ambient d'aujourd'hui. Passé par des labels emblématiques du genre aussi prestigieux que Denovali, Hibernate (via Rural Colours) ou Audio Gourmet, caché sous le pseudo de Subterminal pour une poignée de sorties plus discrètes, le Portugais est lui même partie prenante de cette sphère d'influence, révélant via son netlabel Feedback Loop les grands noms de demain (de Pascal Savy à sink \ sink en passant par le Lyonnais Witxes dont on vous parlera ici même très bientôt) lorsqu'il ne travaille pas à brouiller les frontières entre poésie et musique avec les sorties physiques aux superbes livrets format A5 de sa nouvelle structure Heart And Soul - par laquelle sont déjà passés la divine Néo-Zélandaise Birds Of Passage ou le gracile duo jazz-ambient The Dwindlers, en attendant le drone mystique du prolifique Brésilien Gimu le 14 mai et une semaine plus tard les élégies spectrales de l'Américain I've Lost dont Feedback Loop avait déjà publié l'EP Dissociative Fugue en 2010.

Mais revenons à notre bonhomme. The Blue Nature Of Everyday, son nouvel album, se compose de 5 variations autour du spleen, cette indicible peine qui suffit à chaque jour, cette mélancolie qui parfois s'explique mais bien souvent s'installe sans que l'on sache trop pourquoi, si ce n'est peut-être pour nous rappeler que donner le change n'est pas toujours aisé pour les inadaptés de tout poil ou les âmes meurtries par un parcours émotionnel chaotique. Un drone minimaliste au souffle poussiéreux ouvre l'ensemble, longue progression crépusculaire et lourde de sens qui tout à la fois anticipe et tire les conséquences des drames intimes sur le point de se nouer.

On craint alors que tout ne soit déjà joué, et lorsque le rideau se lève, ou plutôt se déchire au son d'un piano préparé et des arpèges cristallins d'une boîte à musique désarticulée tandis que résonnent basses fréquences inquiétantes et autres pulsations tirées d'objets inanimés, c'est le voile du souvenir qui semble se désagréger et laisser place sur The Touch Of Your Lips à l'évocation douce-amère d'un bonheur aujourd'hui hors de portée, dont les échos translucides vacillent sous les craquements de la psyché. Avant la tempête sous un crâne, le piano seul s'aventure dans les limbes, déroulant ses accords désertés par la vie sur un lit de nappes angoissées, troublante errance entre deux interférences de bruit statique. Y avait-il donc de l'espoir gisant sous la poussière et les cendres ? C'est ce que vient finalement suggérer un retour du printemps que l'on n'attendait plus, déjouant timidement en l'espace de quelques notes dépouillées cette fatalité qui semblait pourtant peser sur une œuvre aux tonalités résolument sombres.

Et justement, la fatalité parlons-en. Il y a quelques jours, Leonardo Rosado s'est fait cambrioler et voler son laptop et sa caméra digitale, entre autres objets d'une valeur certainement plus sentimentale. Heureusement, une sauvegarde de ses fichiers numériques lui permet aujourd'hui d'éditer, quelque peu précipitamment mais musicalement entier, cet album qu'il venait à peine de terminer. Néanmoins, lorsque l'on investit autant dans la musique au jour le jour, un trou de 2000 euros ça fait vite des dégâts, sans parler du handicap que lui cause aujourd'hui l'absence d'ordinateur portable pour composer et gérer ses deux labels. Ainsi, pour peu que vous soyez comme nous transportés par ces 35 minutes de pure poésie lancinante, on ne peut que vous encourager à soutenir le Portugais dans cette épreuve en téléchargeant son album, sachant que si vous dépassez le minimum requis de 6 euros et montez jusqu'à la vingtaine, vous en recevrez d'ici quelques mois une copie CD en édition limitée estampillée Heart And Soul, avec mention de votre nom dans les crédits en tant que généreux donateur.

Nous ne sommes que d'humbles chroniqueurs et pas des journalistes, aux gardiens du temple de l'objectivité nous répondrons donc que la pub a parfois des allures de cri du cœur, que Leonardo Rosado est un type aussi brillant que généreux (cf. les sorties en libre téléchargement du sus-mentionné Feedback Loop), qu'il est également un ami et qu'on n'aimerait surtout pas voir son talent gaspillé à lutter contre les mauvais tours du destin si l'on peut aider à y remédier. Merci d'avance à tous nos lecteurs qui contribueront, financièrement ou par l'exercice éprouvé du bouche-à-oreille, à ce modeste coup de pouce qui passe par Bandcamp ou le site officiel de ce grand monsieur.

Rabbit


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